Arrêt Vie privée

Arrêt Vie privée

Par son arrêt, important, du 27 mars 2014 (n° 51/2014) la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur le recours en annulation introduit par la Ligue des contribuables visant à l’annulation  des articles 8 et 11 de la loi du 3 août 2012 portant dispositions relatives aux traitements de données à caractère personnel réalisés par le Service public fédéral Finances dans le cadre de ses missions.

La Cour a annulé l’article 11 de la loi du 3 août 2012 en raison du fait qu’il permettait au responsable du traitement des données de refuser l’exercice des droits garantis par la loi « relative à la protection de la vie privée à l’égard des données personnelles du contribuable qui sont étrangères à l’objet de l’enquête ou du contrôle en cours et qu’il ne prévoit pas de limitation dans le temps de la possibilité de faire exception à l’application de ces droits justifiée par l’accomplissement d’actes préparatoires à un contrôle ou à une enquête.

Par ailleurs, interprétant la loi, la Cour a précisé que la suspension des droits prévus par la loi sur la vie privée implique que des actes indiquant l’intention de l’administration d’ouvrir une enquête ou de procéder à un contrôle à l’égard d’un contribuable déterminé aient été posés préalablement à la demande de celui-ci d’exercer lesdits droits et qu’une mention de ces actes figure dans le dossier du contribuable. Ce qui précède impliquerait également, suivant la Cour, que la demande du contribuable d’avoir accès à ses données personnelles  ne peut pas constituer elle-même l’élément déclencheur d’une enquête ou d’un contrôle.

Par son arrêt, la Cour rétablit donc un certain équilibre entre les droits du contribuable et ceux de l’administration, dans la mesure où elle considère que les droits du contribuable en matière de traitement de données personnelles ne pourront être suspendus si ces données sont étrangères à l’objet de l’enquête ou du contrôle : il n’y aura donc pas de suspension automatique en cas d’enquête ou de contrôle.

LIEN : http://www.const-court.be/public/f/2014/2014-051f.pdf

Arrêt Una via

Arrêt Una via

Suite au recours introduit par la Ligue des contribuables, la COur constitutionnelle a rendu le 3 avril 2014, un arrêt (n° 61/2014) par lequel elle a annulé les articles 3, 4 et 14 trois de la loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe « una via » dans le cadre de la poursuite des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales.

Ces dispositions ont été considérées comme contraires au principe non bis in idem , suivant lequel nul ne peut être poursuivi ou puni une seconde fois en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif.

La Cour a estimé que le législateur a donc méconnu le principe non bis in idem,

–      tantôt en permettant au Parquet d’engager ou de poursuivre des poursuites pénales

–      tantôt en autorisant qu’elle u soit renvoyée, en raison de faits identiques, devant une juridiction pénale (si cette juridiction était déjà saisie, en permettant de continuer l’examen de la cause)

concernant une personne qui a déjà fait l’objet, pour les mêmes faits, d’une sanction administrative, à caractère pénal, devenue définitive.

Conclusion : Une sanction administrative fiscale prononcée définitivement empêche les poursuites pénales subséquentes pour des faits en substance identiques de fraude fiscale.

LIEN : http://www.const-court.be/public/f/2014/2014-061f.pdf

Les paradis fiscaux, dernier monde libre

Les paradis fiscaux, dernier monde libre

Grâce aux révélations du Soir et d’autres journaux sur l’identité de certains actionnaires de sociétés offshore, il est heureusement probable que des trafiquants, des dirigeants corrompus ou d’autres criminels pourront être démasqués. L’on a aussi désormais la preuve que le dictateur zimbabwéen Mugabe, qui a affamé son peuple et violé systématiquement les droits de l’homme pendant des décennies, s’est aussi constitué une fortune au détriment d’une des populations les plus pauvres du monde.

Ce sont des informations importantes pour la lutte contre la criminalité et l’élimination des tyrannies. Il est dès lors surprenant que les politiques ne s’y intéressent guère et que ce soit au nom de la lutte contre la fraude fiscale qu’ils proposent une illusoire « suppression des paradis fiscaux ». Aux yeux des dirigeants européens, il semble ainsi essentiel d’entraver l’usage des paradis fiscaux, non par les trafiquants et les tyrans, mais par les simples citoyens.

Ils semblent oublier que s’il existe des paradis fiscaux, c’est parce qu’il y a des enfers fiscaux, et la Belgique est l’un des pires d’entre eux. Lorsqu’un État dépense plus de 55 pour cent de ce que ses habitants ont gagné, et qu’il s’avère incapable de réduire réellement ses dépenses, il serait bien avisé de se demander si ce n’est pas sa politique qui suscite l’attrait pour les paradis fiscaux. Et en Belgique, malgré les annonces récurrentes de réduction du train de vie de l’État, les dépenses publiques ont augmenté de 27 pour cent depuis 2007.

Des milliers de Belges ont des intérêts dans des sociétés, des trusts, ou des fondations localisés dans des pays à fiscalité avantageuse. Ce ne sont pas tous des criminels, ni même des fraudeurs du fisc. Pour régler des successions complexes, investir en joint-venture dans certains pays émergents, ou éviter des doubles taxations d’un même revenu, ils créent certaines de ces structures tant décriées. Beaucoup aussi recherchent seulement la discrétion de leur patrimoine, à l’égard de partenaires d’affaires, de membres de leur famille, ou de l’État lui-même. Aucune règle ne donne au Pouvoir le droit de tout savoir.

La « transparence » est un devoir des gouvernements, une contrepartie à leur pouvoir et une manière de rendre compte des impôts, soit de recettes qu’ils obtiennent par la contrainte. Il est fâcheux que cette notion soit retournée par les États contre leurs citoyens, pour leur demander, à eux, d’être transparents et de justifier du produit de leur travail et de leur épargne.

Ceux qui profitent légalement des avantages des paradis fiscaux n’encourent souvent aucune critique puisqu’aucune loi belge n’interdit d’acquérir des participations dans de telles sociétés, ni n’oblige à en déclarer la propriété. Les revenus de ces structures ne sont pas taxables en Belgique, sauf dans quelques hypothèses qu’il est assez aisément possible d’éviter sans enfreindre aucun texte légal.

Il est normal que l’État fasse valoir ses droits à l’égard de ceux qui ne respectent pas la loi. Comme il doit admettre, dans un état de droit, que ce qui n’est pas interdit est permis et que ce que la loi ne déclare pas taxable ne doit pas l’être.

Serait-il alors immoral d’investir ailleurs pour éviter d’être surtaxé ici ? Il est injuste d’enfreindre une loi juste, mais si précisément on ne l’enfreint pas, où serait l’injustice ? Et croit-on vraiment que nos lois fiscales, décidées au prix de multiples marchandages entre partis et groupes de pression, ont quelque chose à voir avec la justice ? Elles sont seulement l’expression erratique de l’évolution de rapports de force. Les impôts sont une question de pouvoir, pas de justice.

Si, comme le disait Thomas d’Aquin, l’impôt est un « pillage légal », l’État peut l’exiger parce qu’il est légal, mais son sujet, s’il y échappe dans le respect des lois, même grâce à des pays exotiques, ne fait qu’éviter un pillage… Les individus ont des droits et il n’existe pas de règle morale suivant laquelle un Pouvoir, même élu, pourrait décider à sa guise et sans limite, d’attribuer, sous prétexte de redistribution, les propriétés et les revenus des uns aux autres, au nom d’un « intérêt général  » qu’il définit lui-même. S’il agit de la sorte, il fait la loi, et pourra en assurer le respect, mais il n’édicte aucune règle éthique.

Quant aux paradis fiscaux eux-mêmes, on serait malvenu de les montrer du doigt parce qu’ils ont choisi de ne pas écraser leur population de charges comparables à celles qui nous accablent. Ils fournissent au contraire la preuve qu’il existe d’autres choix que celui de l’État fort ou de l’État Providence. Les paradis fiscaux sont des États souverains, qui choisissent librement leur système économique. Pratiquement tous reconnaissent l’ensemble des libertés fondamentales au moins autant que la Belgique, et leurs dirigeants sont, presque partout, issus d’élections libres.

La misère est à Cuba, pas aux Îles Caïman ; le chômage endémique est en Martinique assistée par la France, pas aux Bahamas ou aux Bermudes, et tout indépendant ou salarié belge rêverait de bénéficier des pensions et autres prestations sociales des Suisses. Il n’est pas fatal que l’État soit toujours, comme le disait Bastiat, « la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Des États avec peu d’impôts ne sont pas pour cela archaïques, inefficaces ou injustes.

Ces États sont au contraire l’expression concrète de ce principe énoncé à l’Assemblée Nationale en 1789 : « Un peuple libre n’acquitte que des contributions », soit le prix des services que lui rend le Pouvoir, « un peuple esclave paie des impôts ».

Nouveau recours devant la Cour Constitutionnelle

Nouveau recours devant la Cour Constitutionnelle

La Ligue des contribuables, qui a pour objet la défense des intérêts des citoyens en matière fiscale, a introduit devant la Cour constitutionnelle un recours en annulation contre la nouvelle cotisation complémentaire de 4 % sur les revenus mobiliers (articles 28 et 38 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses).

Pour rappel, cette cotisation complémentaire de 4 % sur les revenus mobiliers qui dépassent 20.020 euros par an s’accompagne d’une transmission d’informations – sans limites, ni conditions- par la banque à l’administration (« Point de contact central tenu par la Banque Nationale de Belgique ») concernant les revenus mobiliers des contribuables.

La Ligue des contribuables considère cette mesure comme étant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée garanti à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, cette intrusion dans les données patrimoniales des Belges leur occasionne un préjudice énorme, dans le seul but de lever un impôt.

Selon l’avocat de la Ligue, Me Thierry Afschrift, les comptes bancaires d’un individu sont protégés par le droit au respect de la vie privée, parce que les données bancaires portent sur des aspects financiers intimes de la vie privée, comme le soutien à un parti, l’entretien d’une maîtresse, les dons à des associations religieuses, etc.

Alexis Chevalier, président de la Ligue, estime également que les revenus mobiliers sont déjà assez taxés.

Inutile de préciser que l’arrêt de la Cour est attendu avec impatience !

Taxes Sarkozy sur les exilés fiscaux : les Français de Belgique n’ont rien à craindre

Taxes Sarkozy sur les exilés fiscaux : les Français de Belgique n’ont rien à craindre

C’est une étonnante proposition que le Président français a récemment formulée. Il a en effet émis l’intention, s’il est réélu, de taxer dorénavant les personnes de nationalité française qui auraient choisi d’aller vivre dans un autre pays, lorsque ce choix a été dicté par des considérations fiscales.

La proposition est d’abord étrange par son illogisme. À l’exception, certes notoire, des Etats-Unis, aucun Etat occidental n’utilise la nationalité comme critère de taxation.

Le système qui résulte de multiples traités internationaux est celui qui recourt exclusivement à la résidence comme critère d’imposition. C’est d’ailleurs parfaitement logique : dans la mesure où l’impôt est censé financer les services publics rendus sur un territoire, il est normal que les personnes vivant sur ce territoire, et elles seules, participent au financement de ces services.

C’est d’ailleurs pour cela que les personnes de nationalité étrangère, en France comme ailleurs, sont des contribuables comme les autres, dans le pays où elles résident. Il n’y a donc aucune raison d’utiliser la nationalité, qui, en soi, n’implique guère de droit envers l’Etat ni de prestations de celui-ci, comme critère de l’imposition.

De plus, la France a signé plus d’une centaine de conventions préventives de la double imposition avec de très nombreux pays dans le monde, y compris ceux (Belgique, Suisse, Angleterre, Luxembourg, Maroc) que les français choisissent habituellement comme nouveaux lieux de résidence. Ces conventions ne permettent pas à l’Etat français de taxer des résidents de ces pays en France, pour le seul motif qu’ils seraient de nationalité française.

De tels traités priment sur l’application de la loi française, qui ne pourra dès lors être appliquée aux résidents de ces pays, sauf s’ils sont renégociés. Mais les pays qui ont conclu de tels traités avec la France ne sont pas obligés d’en accepter la modification et n’y ont en réalité pas intérêt.

Enfin, on se demande bien comment l’administration fiscale française pourra repérer, parmi les deux millions de français qui ont quitté leur pays, ceux qui ont agi exclusivement pour des raisons fiscales, et les distinguer de ceux qui ont déménagé pour d’autres motifs, voire pour une combinaison de motifs fiscaux et autres.

Au 4ème siècle après Jésus-Christ, déjà, des Gaulois surtaxés par l’Empire romain quittaient leur pays pour franchir le « limes », qui séparait l’Empire des régions contrôlées par les Barbares, y compris des régions qui sont aujourd’hui en Belgique, au Luxembourg et en Suisse. L’Empire romain n’y a pas survécu …