L’Impact Réel de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle sur le Régime Fiscal des Droits d’Auteur

L’Impact Réel de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle sur le Régime Fiscal des Droits d’Auteur

Le 16 mai 2024, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt décisif concernant le régime fiscal des droits d’auteur. Cet arrêt a rejeté deux recours en annulation introduits par des contribuables contre les dispositions de la loi du 26 décembre 2022. Cette loi avait pour but de limiter le champ d’application du régime fiscal des droits d’auteur, particulièrement en ce qui concerne les titulaires de droits intellectuels sur des programmes informatiques.

Contexte de l’Affaire
Les contribuables contestaient la loi de 2022, arguant qu’elle discriminait les bénéficiaires de droits sur des programmes informatiques en les excluant du régime fiscal avantageux réservé aux droits d’auteur. La Cour constitutionnelle, cependant, a jugé que le législateur était dans son droit de restreindre ce régime fiscal sans enfreindre la Constitution, concluant ainsi à l’absence de discrimination.

Les Fondements de la Décision
La Cour constitutionnelle a basé sa décision sur l’interprétation de la loi, estimant que le législateur avait le pouvoir de déterminer quels types de droits intellectuels pouvaient bénéficier du régime fiscal des droits d’auteur. Elle a jugé que l’exclusion des droits sur les programmes informatiques de ce régime fiscal avantageux ne constituait pas une violation des principes constitutionnels.

Cependant, la portée de cette décision est limitée à la vérification de la conformité des normes à la Constitution. La Cour n’a pas l’autorité d’imposer son interprétation de la loi aux autres juridictions. En effet, les tribunaux de l’ordre judiciaire ne sont pas obligés de suivre l’interprétation de la Cour constitutionnelle en dehors du cadre strict de la constitutionnalité.

Implications pour les Tribunaux Judiciaires
Il est crucial de comprendre que les tribunaux de première instance, les cours d’appel et même la Cour de cassation peuvent adopter une interprétation différente de celle de la Cour constitutionnelle. En d’autres termes, bien que la Cour constitutionnelle ait décidé que l’exclusion des bénéficiaires de programmes informatiques du régime des droits d’auteur ne viole pas la Constitution, cela n’empêche pas les autres juridictions de juger autrement sur la base d’une interprétation différente de la loi.

Cette possibilité de divergence interprétative est renforcée par le fait que la Cour constitutionnelle a basé son interprétation principalement sur les travaux parlementaires et l’exposé des motifs, en négligeant peut-être d’autres aspects fondamentaux de l’interprétation légale. Notamment, l’usage des travaux préparatoires ne devrait intervenir qu’en cas d’obscurité de la loi, ce qui n’a peut-être pas été suffisamment pris en compte.

Conclusion
Contrairement aux premières réactions suscitées par cet arrêt, la controverse sur l’application du régime des droits d’auteur aux programmes informatiques est loin d’être résolue. La décision de la Cour constitutionnelle ne met pas fin aux débats, et les juridictions fiscales restent libres de considérer que, même sous l’égide de la nouvelle loi, les bénéficiaires de droits sur des programmes informatiques peuvent encore prétendre au régime fiscal avantageux des droits d’auteur.

La véritable portée de cet arrêt réside donc dans la clarification du rôle et des limites de la Cour constitutionnelle en matière d’interprétation légale. Il rappelle que, bien que la Cour puisse déclarer une disposition conforme à la Constitution, son interprétation de la loi n’est pas impérative pour les autres juridictions qui conservent leur autonomie d’interprétation.

L’Impact de la Nouvelle Convention Préventive Belgo-Française sur la Taxe Caïman et les Dispositions Anti-Abus Françaises

Les récentes mises à jour de la convention franco-belge visant à prévenir la double imposition ont des implications significatives pour la taxe Caïman belge et les mesures anti-abus françaises. Cet article de blog explore ces changements et leur impact sur les contribuables.

La Taxe Caïman Belge :
La taxe Caïman, instaurée par l’article 5/1 du Code des impôts sur les revenus, cible des structures juridiques spécifiques en imposant les revenus de ces structures comme si le fondateur les avait perçus directement, même en l’absence de distribution de dividendes. Ce mécanisme a suscité de nombreux débats, surtout lorsqu’il s’applique à des structures situées dans des pays ayant conclu des conventions de double imposition avec la Belgique, y compris les pays de l’Espace Économique Européen (EEE).

Problèmes de la Taxe Caïman :
Le principal problème de la taxe Caïman est qu’elle traite certaines structures étrangères comme inexistantes tout en imposant leurs revenus en Belgique. Cette approche contredit les frontières juridictionnelles établies par les conventions internationales de double imposition, entraînant une double imposition économique potentielle, où les mêmes revenus sont imposés dans des mains différentes à travers différentes juridictions.

Nouvelle Convention Préventive Belgo-Française :
Le 9 novembre 2021, la Belgique et la France ont signé une nouvelle convention pour éviter la double imposition et prévenir l’évasion fiscale. Le Protocole signé permet à la France d’appliquer des mesures anti-abus spécifiques (articles 209 B, 123 bis, 115 quinquies et 212 du Code général des impôts), tandis que la Belgique peut appliquer la taxe Caïman en vertu de l’article 5/1 de son Code des impôts.

Impact sur les Actionnaires Belges :
Cet accord marque une régression significative pour les actionnaires belges de certaines entités françaises fiscalement transparentes, comme les sociétés civiles immobilières (SCI). La nouvelle convention subordonne l’exonération des revenus immobiliers à une imposition « effective » en France. Si une SCI détient un bien non loué, ces revenus pourraient être soumis à la taxe Caïman en Belgique en raison de la déclaration d’un revenu fictif (revenu cadastral).

Implications Plus Larges :
Outre l’immobilier, la taxe Caïman pourrait également affecter les actionnaires belges de sociétés civiles de portefeuille (SCP) françaises détenant de l’immobilier ou des valeurs mobilières, selon la nature des investissements réalisés.

Dispositions Anti-Abus Françaises :
La convention préserve également le droit de la France d’appliquer diverses mesures anti-abus, telles que :

  • Article 209 B : Imposition des bénéfices des entités étrangères contrôlées par des entreprises françaises
  • Article 123 bis : Imposition des revenus des entités étrangères détenues par des particuliers français.
  • Article 115 quinquies : Taxe sur les bénéfices des succursales des sociétés étrangères.
  • Article 212 : Limites sur la déductibilité des intérêts dans le cadre de prêts entre sociétés liées si le taux d’imposition du prêteur est inférieur à un certain seuil.

Ces mesures ciblent principalement les montages artificiels visant à contourner les lois fiscales françaises, excluant les entreprises légitimes de l’UE/EEE.

Mesures Anti-Abus Non Listées :
La convention ne mentionne pas l’article 155A du Code général des impôts, qui permet d’imposer les services facturés par des entités étrangères contrôlées, rendant l’entité étrangère solidairement responsable des impôts dus par le résident français.

Conclusion :
La nouvelle convention illustre une déviation par rapport à l’objectif traditionnel des accords de double imposition, qui est de répartir les droits d’imposition plutôt que de s’assurer que tous les revenus soient effectivement imposés. Ce développement introduit des complexités et des charges fiscales potentielles pour les actionnaires belges dans des entités françaises et met en évidence la tension persistante entre les politiques fiscales nationales et les accords fiscaux internationaux.

Taxation des Plus-Values : La Cour de Cassation Redéfinit la Gestion Normale

La Cour de cassation a récemment rendu une décision remarquée concernant la taxation des plus-values réalisées sur des actions. Cette affaire impliquait un actionnaire d’une entreprise familiale qui avait acheté une part de participation à d’autres membres de la famille pour ensuite vendre l’ensemble, incluant sa propre participation, à un prix beaucoup plus élevé.

Les Détails de l’Affaire
L’administration fiscale avait jugé que la plus-value “historique” réalisée sur la participation initiale de l’actionnaire était exonérée, mais que la plus-value obtenue entre le prix d’achat auprès de son frère et le prix de revente rapide de cette nouvelle participation devait être taxée. Cela s’appuyait sur le critère classique de la plus-value réalisée à court terme.

Cependant, l’actionnaire a argumenté qu’il ne spéculait pas, puisqu’il ne courait aucun risque au moment de l’achat, sachant qu’il pourrait revendre immédiatement à un prix plus élevé.

La Décision de la Cour
De manière paradoxale et en contradiction avec la jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a statué que l’opération ne relevait pas de la gestion normale d’un patrimoine privé (qui est exonérée de taxation) parce qu’elle impliquait une “gestion simple”. L’absence de risque de perte était perçue comme une déviation de la gestion normale.

Des commentateurs ont critiqué cette décision, soulignant que la Cour était incohérente. Historiquement, c’était le caractère spéculatif qui rendait une opération “anormale”. Désormais, l’anormalité est déduite de l’absence de spéculation, ce qui est contradictoire.

Les Implications de la Décision
Le problème central réside dans la définition législative de la “gestion normale” d’un patrimoine privé. Bien que validée par un arrêt de la Cour constitutionnelle en 2022, cette définition est trop vague pour garantir une sécurité juridique acceptable. Les juridictions internationales pourraient exiger une “qualité de la loi” plus précise, permettant aux contribuables de mieux comprendre ce qui est taxable.

Il apparaît donc que ce critère de gestion normale d’un patrimoine privé manque de clarté, menaçant la sécurité juridique. En cas d’intervention législative, on peut craindre une taxation plus généralisée des plus-values, compromettant davantage la stabilité du système fiscal.

Conclusion
Cette décision de la Cour de cassation remet en question les bases de la taxation des plus-values et soulève des préoccupations majeures quant à la sécurité juridique des contribuables. Pour en savoir plus sur les implications de cette décision et les perspectives futures de la fiscalité des plus-values, lisez notre éditorial complet.

Pour toute question ou pour discuter de vos préoccupations fiscales, n’hésitez pas à nous contacter.

Nouveautés sur les Droits d’Enregistrement : Ce qui Change en 2024

Depuis le 1er janvier 2024, le Code des droits d’enregistrement d’hypothèque et de greffe relatif aux constitutions et cessions de droits d’emphytéose et de superficie a subi des modifications importantes. En effet, le taux des droits d’enregistrement pour les droits d’emphytéose ou de superficie constitués ou cédés à partir de cette date est passé de 2 % à 5 %. Cette modification découle des articles 5 et 6 de la loi-programme du 22 décembre 2023.

La loi précise que ce nouveau tarif s’applique :

  • Aux actes authentiques de constitution et de cession d’un droit d’emphytéose ou de superficie passés à partir du 1er janvier 2024, à moins qu’ils aient été précédés d’un acte sous signature privée antérieur à cette date. Dans ce cas, le taux de 2 % reste applicable.
  • Aux actes sous signature privée de constitution et de cession d’un droit d’emphytéose ou de superficie signés à partir du 1er janvier 2024.

Pour rappel, le droit d’emphytéose est défini par le nouveau Code civil comme étant « un droit réel d’usage conférant un plein usage et une pleine jouissance d’un immeuble par nature ou par incorporation appartenant à autrui ». Ce droit a une durée comprise entre 15 et 99 ans et peut être conclu à titre onéreux ou gratuit. Les obligations de l’emphytéote sont, depuis le nouveau Code civil, plus lourdes puisqu’il doit prendre en charge tous les impôts ainsi que les grosses réparations et entretiens de l’immeuble.

Le droit de superficie est défini comme étant « un droit réel d’usage qui confère la propriété de volumes, bâtis ou non, en tout ou en partie, sur, au-dessus ou en dessous du fonds d’autrui, aux fins d’y avoir tous ouvrages ou plantations ». Le superficiaire est propriétaire des constructions qu’il a érigées et en supporte les impositions. Le droit de superficie peut avoir une durée maximale de 99 ans et peut être accordé tant à titre gratuit qu’à titre onéreux.

Cette modification du taux a des conséquences significatives, puisque le taux des droits d’enregistrement est calculé sur le prix total payé par l’emphytéote ou le superficiaire pendant toute la durée du droit.

Prenons l’exemple d’un propriétaire d’un immeuble qui souhaite accorder un droit d’emphytéose à sa société pour une durée de 30 ans, moyennant une redevance annuelle de 15.000 €. Bien que la société puisse déduire ce montant à titre de frais professionnels, elle devra payer 22.500 € de droit d’enregistrement contre 9.000 € auparavant.

Ce nouveau taux n’est toutefois pas applicable lorsque la constitution ou la cession du droit d’emphytéose ou de superficie est consentie à une association sans but lucratif, une association internationale sans but lucratif, ou une personne morale créée conformément et assujettie à la législation d’un autre État membre de l’Espace économique européen et qui a son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement sur le territoire de l’Espace économique européen. Dans ce cas, le taux réduit de 0,50 % est maintenu.

Soutenue par aucune justification économique réelle, cette modification du taux des droits d’enregistrement a pour conséquence de déposséder encore un peu plus les citoyens au profit de l’État. Pour illustrer nos propos, il suffit de constater que le taux a été multiplié par 25 en dix ans et demi, puisqu’il était de 0,2 % jusqu’au 30 juin 2013.

Le phénomène des Papers :  De l’information, de la loi et du (dés)ordre

Le phénomène des Papers : De l’information, de la loi et du (dés)ordre

Le conseil de la Ligue des Contribuables, Maître Thierry Afschrift, vient d’être sélectionné par le magazine WORLD FINANCE pour figurer dans la liste « World Finance 100 » de l’année 2021 ! Nous vous prions de trouver ci-dessous la traduction française de sa contribution.

Les diverses fuites de données de ces dernières années ont mis en lumière une foule d’informations financières privées ou dissimulées, mais les atteintes à la vie privée et la diabolisation des sociétés offshore sont-elles absolument indispensables ?

Luxleaks, Paradise papers, Panama papers et now the « Pandora Papers » : 12 millions de documents confidentiels, provenant des archives de cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore dans les so-called paradis fiscaux. Le phénomène des Papers et autres Leaks est en plein essor et provoque des vives réactions au sein du public et des remous importants au sein de la classe politique ; certains aspects de cette pratique en sont pourtant pas acceptables.

Du côté pile… La constatation de l’ampleur d’un problème

La fraude fiscale est illégale et donc légalement et socialement inacceptable ; elle ne peut être ni cautionnée, ni conseillée. On peut imaginer qu’exposer des schémas de fraude peut être utile pour les autorités, afin de connaître l’ampleur du problème et les méthodes utilisées par des fraudeurs et leurs conseillers dont elles prennent connaissance des noms. Cela permet ainsi aux dirigeants et aux autorités de prendre des mesures adéquates pour contrecarrer ces procédés illégaux, qu’il s’agisse au niveau national, européen ou international, principalement au niveau de l’OCDE, où le Comité des affaires fiscales veille à l’implémentation urgente des principales actions BEPS en la matière : Neutralise the Effects of Hybrid Mismatch Arrangements, design Effective Controlled Foreign Company Rules, limiter l’érosion de la base d’imposition à travers les déductions d’intérêts et les autres paiements financiers et Mandatory Disclosure Rules. Au contraire, si l’explication des schémas de fraude peut constituer une information présentant un intérêt à caractère éducatif, la publication des noms des bénéficiaires de sociétés offshore ne peut à priori avoir qu’un intérêt théorique pour le citoyen ordinaire.

Du côté face : Les effets indésirables 

Cette pratique pose néanmoins beaucoup de problèmes sur les plans juridique, éthique et social. L’on soulignera d’emblée que les faits sont présentés à un public majoritairement non-spécialisé, qui peine à distinguer la fraude fiscale (pratique illégale) de l’ingénierie patrimoniale (pratique parfaitement légale). Les déclarations politiques exacerbent cette confusion, telle, par exemple, celle du ministre belge des finances qui déclarait récemment : « Eviter l’impôt via des constructions off-shore, c’est de la fraude. ». Cette déclaration doit naturellement être nuancée.

D’abord, il convient de rappeler  qu’une société offshore (comme toute autre structure ou société, où qu’elle soit établie) n’est rien de plus qu’un instrument. Et comme tout instrument, la société offshore n’est pas légale ou illégale en elle-même : c’est son utilisation qui peut, ou ne pas, l’être. Une société offshore n’est donc pas nécessairement un instrument de fraude fiscale.

Soumis à un véritable barrage de déclarations médiatiques et politiques et n’ayant pas les compétences techniques pour appréhender correctement la situation, le citoyen moyen perd ainsi de vue un autre fait important : le fait qu’il est taxé de manière excessive.  Ainsi, l’opprobre public se dirige contre ceux qui ont essayé d’échapper, même légalement, à la taxation excessive dont ils font l’objet, plutôt que contre les gouvernements qui augmentent en permanence la pression fiscale afin de couvrir leurs dépenses publiques démesurées. La « justice fiscale » réclamée par le public reçoit ainsi interprétation singulière : l’on ne réclame pas de payer moins d’impôts mais plutôt que les Autres en payent plus. Attitude curieuse puisque le discours étatique suivant lequel l’augmentation de la base taxable (notamment par le biais de la lutte contre l’ingénierie fiscale) permettrait la diminution de l’impôt à payer par le citoyen moyen, ne s’est jamais vérifié dans les faits : les recettes fiscales augmentent au fil du temps mais les impôts ne baissent jamais.

Une atteinte aux droits de l’homme

Ensuite, sur un plan éthique, il est inacceptable de mettre sur un pied d’égalité les fraudeurs et ceux qui ont utilisent une société offshore de manière parfaitement légale. Ces derniers subissent une attaque sans précédent à leur vie privée et ce sans absolument aucune raison, d’autant plus que quand les documents sont révélés au grand public, personne ne sait si les bénéficiaires de ce genre de structures ont agi, ou non, dans la légalité. De plus, si la révélation des ces informations reçoit toujours une grande publicité,  les résultats des enquêtes qui s’ensuivent ne sont que rarement connus, à tel point que l’on ignore la proportion des fraudeurs au sein des personnes dont la vie privée a été exposée au public. En outre, l’on constate que certaines pratiques dénoncées sont fréquentes dans la vie de tous les jours. Par exemple, l’on a reproché à un ancien dirigent politique d’avoir acquis une société-propriétaire d’un immeuble, plutôt que l’immeuble lui-même. Cette opération très courante est ainsi stigmatisée au motif que la société en question était établie dans un paradis fiscal mais il n’a pas été soutenu que s’il s’agissait d’une société locale, il n’aurait pas réalisé la même économie. Après le droit à la vie privée, c’est donc le principe de proportionnalité qui devient la victime du manque de nuance de cette manière de communiquer : en partant du postulat inexact que la société offshore est un instrument de fraude, l’on déduit que celui qui utilise une société offshore est forcément un fraudeur et que, de manière générale, l’utilisation d’une société offshore est à proscrire. Pourtant, il est également vrai qu’un grand nombre de personnes fraudent au moyen de structures établies dans leur propre pays mais jamais personne n’a suggérer d’en interdire l’utilisation. Interdire un outil au motif que certains peuvent en faire une mauvaise utilisation n’a pas de sens.

Enfin, cette pratique soulève des questions juridiques importantes. L’on a déjà évoqué ci-avant le problème de la violation de la vie privée. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Certes des restrictions existent lorsqu’elles sont « prévues par la loi » et sont « nécessaires, dans une société démocratique » : l’on voit cependant mal de quelle manière le déversement sur internet, en vrac et sans aucun filtrage, de 14 millions de documents non-anonymisés pourrait constituer une attitude prévue par une quelconque loi et surtout, en quoi une telle démarche serait nécessaire dans une société démocratique. De plus, une fois publiés, ces documents sont, par la suite, examinés par les autorités nationales et servent de point de départ à des contrôles fiscaux et enquêtes pénales et parfois, fondent des redressements fiscaux et des poursuites pénales.

Or, ces documents et les informations qu’ils contiennent sont, en droit, le fruit d’un vol, opéré souvent en violation du secret professionnel de leur titulaire et leur divulgation constitue à priori une violation du droit à la vie privée et du secret de la correspondance. Il est difficile de ne pas constater la singularité de cette démarche, au demeurant fréquemment validée par les tribunaux, qui consiste à mener un combat au nom de la légalité au moyen de données obtenues illégalement par un tiers. L’exception l’emporte donc sur le principe et ainsi, le droit de propriété et le droit à la vie privée du bénéficiaire d’une société offshore cèdent le pas aux « nécessités d’une société démocratique » (qu’il s’agisse de la liberté d’expression ou du devoir de l’Etat de poursuivre les violations à la loi), rendant ainsi légitime la publication et l’utilisation de données obtenues illégalement, que ce soit directement ou indirectement.

Est-ce acceptable ?

Les avis divergent sur le sujet mais l’on ne pourra nier que l’utilisation d’information volées par les autorités pour parvenir à leurs fins parait choquante sur le plan des principes et en tout état de cause, le fait de rendre publiques des données non-filtrées et non-anonymisées constitue une démarche disproportionnée au regard du droit à la vie privée et de la présomption d’innocence. A l’avenir, à considérer même que cette pratique soit jugée légalement ou moralement acceptable, il faudrait qu’à tout le moins, la divulgation de ce genre de données soit réglementée, afin de protéger les droits des citoyens concernés (dont beaucoup n’ont rien à se reprocher). Même au Moyen-Age, seuls les noms des condamnés étaient proclamés par les crieurs publics…ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pourtant, la Cour Européenne des Droits de l’Homme considère que les États ont l’obligation de réglementer l’exercice de la liberté d’expression  pour assurer  la  protection  adéquate de la vie privée et de la  réputation  des citoyens. Quant à la presse, elle doit apprécier les répercussions de ses publications qui sont censées susciter un « débat d’intérêt général ». Or, si la question de l’utilisation de sociétés offshore peut bien faire l’objet d’un débat général, l’on doute que la divulgation des noms des bénéficiaires (surtout de ceux qui sont inconnus au grand public) puissent être d’un quelconque intérêt dans ce cadre d’un tel débat.

C’est en réalité toute la problématique de la pratique des Papers : elle entraîne des confusions et débouche très souvent sur une atteinte disproportionnée aux droits des bénéficiaires. Ainsi, l’ingénierie patrimoniale est assimilée à la fraude fiscale et le bénéficiaire d’une société offshore à un fraudeur, alors qu’en même temps, l’utilisation de documents volés apparaît comme acceptable afin d’atteindre un but « supérieur », et ce même si l’on ignore si la proportion des fraudeurs justifie une telle entorse aux règles légales. Ensuite, les données personnelles et patrimoniales de milliers de personnes font l’objet d’une publicité inacceptable et incontrôlée, souvent avec des conséquences désastreuses au niveau personnel ou économique, alors même que souvent, elles n’ont strictement rien à se reprocher.

Certains ont parfois tendance à l’oublier dans ce contexte très médiatique mais la proportionnalité est essentielle dans une société démocratique ; surtout quand il s’agit de concilier des valeurs à force égale s’opposent.

Les bienfaits cachés de la flat tax

Les bienfaits cachés de la flat tax

La flat tax, ou impôt à taux unique, peut être une solution pour améliorer notre fiscalité. Voici pourquoi.

Un article de Claude Goudron paru initialement sur le site de Contrepoints

La flat tax s’invite à l’occasion des débats pour la présidentielle 2022 et plus particulièrement chez Éric Ciotti.

Cet impôt à taux fixe modéré qui s’applique à tous est le gage d’une incontestable efficacité.

Pour ceux qui l’ignoreraient, il s’agit d’un impôt à taux unique, voire à deux taux, qui remplacerait l’impôt sur l’ensemble des revenus (travail et autres sources) devenu lourd à gérer et trop souvent l’objet de contournements.

La flat tax éviterait également de nombreuses fraudes ou montages plus ou moins sophistiqués pour échapper à une contribution qui reste indispensable au bon fonctionnement du pays.

Elle est généralement proposée aux alentours de 15 %, voire 30 % si on y inclut les prélèvements sociaux de type CSG. Une réflexion devrait avoir lieu préalablement pour en définir le périmètre d’application et le taux en découlant.

Elle est déjà adoptée par 24 pays et proposée par l’IREF en décembre 2009. Elle présente le double avantage d’être simple et efficace.

Très simple à mettre en place

Avec le prélèvement à la source imposé par Gérald Darmanin, le système est déjà en place et ne nécessiterait aucune autre modification que le remplacement du taux actuel par celui unique qui rendrait encore plus simple son fonctionnement, surtout pour le chef d’entreprise.

La flat tax serait bien entendu individuelle et le quotient familial supprimé avec l’avantage de garantir la confidentialité auprès de l’employeur.

Évidemment cela implique de réajuster et de globaliser les prestations d’allocations familiales afin de rendre plus juste la prise en compte de la situation familiale de chaque ménage.

Cette flat tax devrait s’appliquer au-delà d’un revenu mensuel qui pourrait être de 1000 euros. Ainsi, le smicard paierait un impôt très faible, de l’ordre de 450 euros par an, l’équivalent de ce qu’il paye aujourd’hui. Il participerait donc quand même à l’effort national.

Cette flat tax ne pénaliserait donc pas les bas salaires.

Efficacité reconnue de la flat tax

Un faible impôt sur un base importante est reconnu par les économistes comme l’impôt le plus rentable. En continuant cette démonstration et en extrapolant sur l’ensemble des revenus, avec cette taxe unique à 15 %, la rentrée fiscale peut facilement s’estimer :

Environ 30 millions d’actifs (salariés + fonctionnaires) perçoivent un revenu net mensuel moyen de 2238 euros (source Insee) dont sont déduits 1000 euros, soit : 1238 euros x 12 = 14 856 euros imposable à 15 % soit 2228 euros par actif pour un total donc de 66, 84 milliards.

Environ 20 millions de retraités pour un revenu moyen de 1297 euros : en faisant le même calcul nous arrivons à un total de 10,7 milliards.

L’impôt sur le revenu total serait alors de 77,54 milliards, très proche des 80 milliards encaissés aujourd’hui.

Ce calcul ne tient pas compte des niches fiscales qui doivent donc disparaître. Puisque ce sont les plus gros revenus qui en profitent leur baisse du niveau d’impôt le compenserait largement.

Pour les revenus inférieurs, la niche fiscale la plus importante est celle de la garde d’enfant. La CAF devrait pouvoir compenser.

La flat tax : un atout pour l’entreprise

Pour les bas salaires, le coût salarial pour l’entreprise n’est plus guère éloigné de nos concurrents étrangers, l’Allemagne précisément. Ce n’est pas le cas des hauts salaires, ceux que l’on doit impérativement retenir en France.

Pour cela les cadres demandent un revenu net d’impôt (leur véritable pouvoir d’achat) équivalent à ce qui leur est offert à l’étranger, avec une base imposable à 15 % au lieu des 45 % actuels pour la tranche supérieure. Le problème est donc largement résolu, y compris pour nos footballeurs vedettes. On peut même envisager une baisse sensible de leur salaire brut, de l’ordre de 20 %. Ils percevraient encore un net d’impôt 20 % plus élevé qu’actuellement.

Ce serait alors une économie importante pour le chef d’entreprise dont le salaire diminuerait mais également les charges sociales afférentes.

C’est du gagnant/gagnant, même pour l’État qui ne verrait plus ses élites et ses entreprises s’expatrier.

Il ne resterait alors plus que l’alignement des charges sur les hauts salaires sur l’Allemagne où elles sont, rappelons-le, deux fois supérieures pour un salaire de 4000 euros et trois fois supérieures pour un salaire de 8000 euros.

Un projet de campagne 2022

Pour nos candidats en mal d’idées pour la campagne présidentielle c’en est une à développer et à mettre dans leur programme avec engagement de l’appliquer dans les 100 premiers jours de leur quinquennat.