Benoit Malbranque – D’Or et de Papier

Benoit Malbranque – D’Or et de Papier

En exergue à son livre sur la monnaie, D’or et de papier, Benoît Malbranque met cette phrase lumineuse de Ludwig von Mises : « Un gouvernement est la seule organisation capable de prendre une matière première importante comme le papier, d’y mettre un peu d’encre dessus, et de rendre le tout totalement sans valeur. »

Cette phrase résume bien ce petit livre (petit par le nombre pages), percutant et argumenté, où l’auteur traite de la monnaie avec pédagogie. Benoît Malbranque rappelle que la monnaie est apparue spontanément et que la loi a fini par valider cette pratique, née sans elle, et par lui apporter sa caution.

Aristote définit les trois fonctions que doit remplir une monnaie pour être une monnaie :

  • être une unité de compte
  • être un intermédiaire des échanges
  • être une réserve de valeur

C’est à cette dernière aune-là que l’on peut, encore aujourd’hui, apprécier si une monnaie est saine. Car il y a des monnaies malsaines… En effet il est tentant pour l’État de trahir la confiance que les utilisateurs de la monnaie placent en lui, puisqu’il la cautionne. Il n’a pas manqué, tout au long de l’Histoire, de succomber à cette tentation. Cela a commencé par des altérations des monnaies métalliques, en jouant sur leur teneur en métal ou en indiquant sur elles des valeurs inférieures à leurs valeurs réelles en métal. Ces altérations constituaient purement et simplement la commission d’un vol…

Cela s’est poursuivi avec la création de monnaies papier. L’auteur donne deux exemples français de ces créations de monnaie de singe : les billets émis à partir de rien par la Compagnie de John Law et les assignats, billets reposant sur les biens du clergé. Dans les deux cas, inversant la relation de cause à effet, il s’est agi de créer la prospérité à partir de la création de monnaie…

Dans le premier cas, la monnaie mise en circulation est devenue très vite un multiple du capital initial, dans le second un multiple de la valeur des biens conservés en gage. Et, dans les deux cas, les prix des biens ont augmenté ; la ruine a été au rendez-vous de tout le monde, à l’exception de quelques initiés…

En matière d’inflation, beaucoup de beaux esprits inversent, là encore, la relation de cause à effet. Benoît Malbranque rappelle que : « Le cours normal des prix est de baisser avec l’amélioration des techniques. » Et qu’en réalité : « L’inflation n’est pas une hausse durable des prix, mais, plutôt, une diminution du pouvoir d’achat de la monnaie. »

Quel est le mécanisme ?

« Lorsqu’il y a davantage de monnaie en circulation, la valeur de la monnaie diminue, et les prix augmentent. C’est mécanique. Toute marchandise diminue de valeur quand on en accroît la quantité offerte, ceteris paribus [toutes choses étant égales par ailleurs]. La monnaie ne se comporte pas autrement. »

Le papier-monnaie remplit-il les trois fonctions que doit avoir une monnaie, selon Aristote ? Il remplit évidemment les rôles d’unité de compte et d’intermédiaire des échanges (encore qu’il serait vite remplacé dans ce dernier rôle par un autre étalon s’il n’y avait pas de cours forcé), mais il ne remplit pas celui de réserve de valeur : « Considérez cet exemple simple : si votre arrière-grand-père avait placé 1 000 francs dans un tiroir, et votre grand-père, une demi-once d’or dans un autre, que resterait-il aujourd’hui? Simple : une demi-once d’or et quelques bouts de papier. »

Le papier-monnaie est bien une monnaie malsaine.

Pour qu’une monnaie soit saine, « il faut que la monnaie soit à nouveau une marchandise, comme elle fut à ses origines, et comme elle aurait dû le rester. Qu’elle soit une valeur en elle-même, et un gage de valeur en elle-même. » « L’or comme l’argent métal ont une valeur intrinsèque, indépendante de leur rôle d’intermédiaire des échanges. »

Pour qu’une monnaie soit saine, il faut en outre qu’elle puisse être produite comme toute autre marchandise : « Si la production de monnaie était protégée par une attention à l’exécution contractuelle, et régulée par la concurrence et le juste intérêt de chacun, disparaîtraient la fraude, la surabondance et la tromperie. »

En conclusion, l’auteur indique quelles mesures simples et concrètes permettraient selon lui le retour à de la monnaie saine :

  • la fin du monopole public
  • la libéralisation de l’achat et de la vente de métaux et l’abolition de la lourde fiscalité qui pèse sur leurs échanges.

Recension de Francis Richard, initialement parue le 7 octobre 2014 sur le site de Contrepoints.

Philippe Simonnot – Nouvelles leçons d’économie contemporaine

Philippe Simonnot – Nouvelles leçons d’économie contemporaine

Les 39 Leçons d’Économie contemporaine, publiées par Philippe Simonnot en 1998 avaient été pour beaucoup une formidable porte d’entrée vers une pensée économique rigoureuse. Vingt années ont passé, et avec elles de nombreuses crises, dont la crise financière de 2008.

Il a donc remis son ouvrage sur le métier pour nous procurer une mise à jour lumineuse et excessivement abordable des mécanismes sur lesquels sont fondés l’économie. Sont ainsi abordés dans une dizaine de chapitres supplémentaires :l’incapacité de l’économiste de livrer des prévisions fiables, le mythe de la fin du pétrole, les raisons de la tragédie financière de 2008 …
Un excellent manuel d’économie à mettre entre toutes les mains.

Philippe Simonnot, Nouvelles leçons d’économie contemporaine, Gallimard, 752 pages.

Pierre-Yves Novalet.

Philippe Némo – Philosophie de l’impôt

Philippe Némo – Philosophie de l’impôt

On ne présente plus Philippe Némo, qui reste un des philosophes et historiens des idées français les plus rigoureux, et dont l’immense travail demeure l’une des plus grandes sources actuelles de savoir concernant la tradition libérale française.

Dans son dernier ouvrage, il démonte les processus à la base des fiscalités parmi les plus confiscatoires au monde que nous connaissons en Europe continentale.

Il y démontre rigoureusement que ces mécanismes de redistribution des richesses sont fondés sur l’envie, et que la démocratie représentative implique qu’il y aura toujours une majorité pour voter des politiques confiscatoires.

Il y dénonce surtout que nous vivons dans ce que Hayek appelait la Route de la servitude, dans une société qui pénalise de manière très dure la création de valeur à long terme.

Philippe Nemo, Philosophie de l’impôt, PUF, 240 pages.

Pierre-Yves Novalet.

Nassim Nicholas Taleb – Jouer sa peau : Asymétries cachées dans la vie quotidienne

Nassim Nicholas Taleb – Jouer sa peau : Asymétries cachées dans la vie quotidienne

Nassim Nicholas Taleb est à la fois philosophe, statisticien et économiste. Il a été vingt ans trader avant de devenir professeur de gestion du risque dans une université américaine. Depuis ses premiers ouvrages, Le hasard sauvage (2001) et Le cygne noir (2007), il a apporté des contributions fondamentales à la manière dont le risque est perçu dans les sociétés développées ainsi qu’aux nombreux biais perceptifs entourant cette perception.

Il nous revient cette année avec une contribution très originale sur la responsabilité des personnes qui décident : nous vivons à une époque où de moins en moins de décideurs “mettent en jeu” leur peau dans les processus décisionnels. Que ce soit au niveau politique ou économique, les entités de plus en plus grandes (entreprises multinationales détenues par des actionnaires ou organisations supranationales), des personnes décident pour le plus grand nombre sans forcément devoir répondre personnellement de leurs erreurs, ce qui induit des comportements parfois anormalement risqués, inéquitables et peu efficaces.

De la sorte, lorsqu’un homme politique décide d’une guerre ou que le fondé de pouvoir d’une très grande entreprise prend des risques d’investissements inconsidérés dont il n’assumera jamais les conséquences pour des questions d’horizons temporels courts, ce sera au final toujours le petit porteur ou le contribuables qui devra assumer.

Sa conclusion est qu’il faut revenir à un authentique partage de la responsabilité pour le décideur, afin d’éviter ces asymétries au niveau de la personne qui assume en fin de compte les conséquences de ces erreurs.

Nassim Nicholas Taleb – Jouer sa peau : Asymétries cachées dans la vie quotidienne, Belles Lettres, 384 pages.

Pierre-Yves Novalet.

David Graeber – Dette : 5 000 ans d’histoire

David Graeber – Dette : 5 000 ans d’histoire

La parution en édition de poche au printemps de ce pavé de David Graeber consacré à l’histoire de la dette, outre le fait qu’il s’agit d’un trésor d’érudition, constitue une piste de réflexion par rapport à l’évolution de nos sociétés, dans lesquelles l’endettement a été en quelque sorte banalisé jusqu’à l’extrême. Mais l’auteur y démontre de manière limpide que ce phénomène très ancien, antérieur même à la monnaie, a toujours été lié aux problématiques du pouvoir, et pour celui-ci, un moyen de se maintenir, et par là de contenir les débiteurs dans un état de soumission.

On ne peut s’empêcher de penser, à la lecture de celui-ci à l’Empire des dettes, de William Bonner et Addison Wiggin, paru en 2005 et dans lequel il annonçait le désastre à venir.

Les sociétés occidentales croulent sous les dettes, tant publiques que privées, et ces dernières pourraient bien encore se révéler explosives dans les années qui viennent.

David Graeber, Dette : 5 000 ans d’histoire, Actes Sud, 667 pages.

Pierre-Yves Novalet.

Eric Verhaeghe – Ne t’aide pas et l’Etat t’aidera

Eric Verhaeghe – Ne t’aide pas et l’Etat t’aidera

Dans son dernier ouvrage, écrit sous la forme d’un réquisitoire contre l’État-providence, Eric Verhaeghe présente avec énormément de lucidité la Sécurité sociale, née sous la France de Vichy, les coûts qu’elle induit pour les travailleurs ainsi que la déresponsabilisation complète de générations entières, prises en charge de la naissance à la mort. Il présente également les risques que cette charge disproportionnée fait courir à nos économies en termes de compétitivité. Son dernier chapitre, prônant un remplacement des prestations individualisées de la Sécurité sociale par un revenu universel répartissant de manière exacte les dépenses sociales entre tous les membres majeurs de la société démontre également que les coûts de structure de ces institutions sont colossaux pour tout un chacun, sans toutefois avoir pu arriver, depuis 70 ans à éradiquer la pauvreté.

Éric Verhaeghe, Ne t’aide pas et l’État t’aidera, éditions du Rocher, 252 pages.